Courtes poursuites

Publié le par Zorba

Fut un temps, j'étais chargé de poursuivre les reliquataires qui n'avaient pas réglé leur TVA, leur Impôt sur les Sociétés, et autres menus délits...
En effet, la rétention de TVA par un redevable est assimilable à du vol.

Entre autres joyeusetés, j'émettais des Avis à Tiers Détenteur (ATD) et les notifiais au reliquataire.
L'ATD est une procédure qui permet au Trésor Public, représenté par un Comptable Public, de saisir des avoirs auprès de la banque, l'employeur ou un locataire du redevable. Il emporte effet immédiat, et le tiers saisi ne peut s'y dérober, sous peine de se voir poursuivre à son tour.

Ainsi, un matin, déboule un redevable à l'accueil:
- Je viens de recevoir un Avis à Tiers Détendeur... Vous m'avez bloqué mes comptes à la banque !
- C'est étudié pour, cher monsieur...
- Ah oui ? Ben, il faut me faire une mainlevée, parce que les chèques de mes fournisseurs vont être rejetés.
- Si je comprends bien, vous êtes venu payer.
- Non, mais il faut me libérer mes comptes !
- Aaaah ! et vous comptez me régler quand alors ?
- On verra. Après.
- Ah oui ? Regardez moi bien alors, et dites-moi ce qu'il y a d'écrit sur mon front. Rassurez-moi, il n'y a pas écrit "La Poste" ?
- Boh non ! Mais pourquoi vous me dites ça ?
- Parce que je me fiche de vos chèques et de vos fournisseurs ! Ca fait 2 ans que vous nous devez des sommes, que vous êtes relancé par recommandé sur recommandé, que vous ne mouftez pas... Et maintenant vous venez pleurer pour que je libère vos comptes; et, cerise sur le gâteau, vous ne me proposez même pas un échéancier ! Vous ne vous moqueriez pas un petit peu de moi ?
- Oui, m'enfin, avec vous, on peut s'arranger !
- Peut-être. Mais vous aviez 2 ans pour trouver un arrangement. Vous n'avez pas saisi votre chance. Maintenant vous êtes au pied du mur. Nous ne sommes ni une banque, ni les services sociaux (non mais !). Il n'y donc aucun arrangement possible désormais.
Mon gars est reparti, tête basse, sans doute me maudissant dans son for intérieur, ce dont je n'ai cure. 15 jours plus tard, il avait déposé son bilan.
Moralité: un tocard de moins dans le circuit.

Pareillement, il y avait un agent immobilier que l'on titillait depuis plus d'un an.
Les ATD successifs auprès de sa banque ne donnaient rien.
Je me suis fixé comme défi de le choper, ce jeu du chat et de la souris me stimulant intellectuellement.
Suite à un court stormbraining ( ou "orage de cerveau" ?), je me suis dit qu'en tant qu'agent immobilier, il devait, entre autres activités, procéder à des ventes de biens immobiliers. J'ai donc consulté les pages jaunes, et ai recueilli les adresses de tous les notaires du département.

Et paf ! ATD à tous les notaires. Tournée générale !.
Et ça n'a pas loupé, j'ai pu saisir sa commission de transaction auprès d'un notaire.
Voilà-t-y pas que mon gus m'appelle, tout miel:
- Vous m'avez bloqué des sommes par ATD...
- C'est normal, ça fait un an que vous nous devez 12.000€.
- Je sais que je vous les dois. J'aurais d'ailleurs dû venir vous voir plus tôt, pour trouver un arrangement (c'est ça ! chante, beau merle !). Seulement, cette commission était destinée à payer les salaires de mes employés.
- C'est fort dommage ...
- Justement, je venais donc voir avec vous, si vous ne pouviez prendre qu'une partie de la somme seulement, et je vous réglerai le solde sous quinzaine.
- Comme vous vous êtes précipité chez nous lors des ATD aux banques ? La réponse est non. Primo, parce que vous me demandez de commettre une faute professionnelle, ce que je ne ferais même pas pour les beaux yeux de la plus belle fille du monde. Deuxio, parce que vous n'avez pas fait beaucoup preuve de correction ni de civisme jusqu'à présent. Tertio, parce que mon problème était de vous mettre la main dessus, et qu'il est résolu. C'est votre problème maintenant.
- Et comment je fais pour payer mes salariés ?
- Apparemment, vous ne manquez pas de faconde. Vous leur expliquerez donc, tout simplement ce que vous venez de me dire, et que vous en êtes le seul responsable.

La Fontaine disait: "que faisiez-vous pendant l'été ? Vous chantiez ? Et bien, dansez maintenant !".
En d'autres termes, ma mère disait: "comme on fait son lit, on se couche". Avis à mes fans ;-)


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